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15.11.2024

Comté; la filière face à de nombreux défis !

15.11.2024 -
La réussite de la filière Comté s'appuie sur des valeurs fortes, telles que la répartition de la valeur ajoutée entre les différents acteurs, la répartition des volumes et droits à produire, la régulation de l'offre et de la demande par les plans de campagne, un cahier des charges strict et engageant. La Conf a souvent été à l'origine de ces mesures et les a toujours portées avec force et conviction. De façon tout à fait naturelle car l'encadrement du marché et la maîtrise de la production par exemple font partie de l'ADN même de notre syndicat et cela a toujours été parmi nos revendications principales. Nous nous retrouvons donc pleinement dans cette filière Comté et défendons l'idée que ce modèle est transposable à d'autres territoires et à d'autres productions

Malgré cette réussite le développement de la filière a tout de même suivi la restructuration agricole nationale, basée sur l'agrandissement. 

La diminution du nombre de fermes et de fruitières est là pour l'attester. Même si on peut dire que l'évolution est moins marquée qu'ailleurs, le constat de l'agrandissement est tout de même là.

Pour la Conf, la filière AOP* est à un moment clé de son histoire, les enjeux sont multiples : stopper les agrandissements, appréhender le dérèglement climatique, mieux préserver notre environnement, voici quelques-uns des défis à relever. 

Pour ce faire et se préparer un avenir durable, il convient de donner un cap ferme et ambitieux qui passera par des décisions fortes.

L'interprofession (CIGC) va devoir se remettre en cause, se réformer et évoluer pour donner cet élan à la filière.

La Conf souhaite une interpro plus ambitieuse et entreprenante, qui donne une direction forte pour la filière, une direction basée sur la résilience, la durabilité, la protection des milieux, la transmissibilité, l'autonomie et l'extensivité entre autres.

L'interpro a mis beaucoup de moyens en œuvre pour permettre le développement des ventes de comté et grâce à ça la filière a réussi le pari de croître à la fois en valeurs et en volumes. A l'heure actuelle il nous apparaît d'une part que le marché du comté est maintenant mâture, et d'autre part que le potentiel de production est atteint.

Ce constat étant fait, la Conf propose qu'une partie des fonds de l'interpro dédiés à la communication et au développement des ventes de comté soit maintenant orientés vers des mesures et actions visant à promouvoir un développement structurellement durable de l'ensemble de la filière. 

Pour être encore plus efficace il faudra aussi sans doute trouver d'autres ressources. 

 

1.       Revenir à une production soutenable

Il apparaît clairement que le potentiel de production de la zone AOP* est atteint voire largement dépassé à certains endroits. 

Les redistributions successives par les RRO et par les installations massives dans les zones les plus favorables ont conduit à une surintensification de certaines zones au détriment d'autres maintenant sujettes à la déprise agricole, et surtout au détriment de l'environnement et à la qualité des eaux en particulier. 

C'est clair qu'il y a actuellement trop de lait, d'animaux et d'effluents sur les 1ers plateaux du Doubs et du Jura et que des mesures doivent être prises pour revenir à une production plus soutenable. 

Il convient aussi de prendre en compte que certaines zones (Haut Jura, petite montagne, autres ?) sont dorénavant touchées par la déprise agricole (manque de candidats à l'installation, baisse de la dynamique de production...). 

C'est le rôle de l'interpro de se saisir de ce problème et d'essayer d'enrayer ces déséquilibres qui vont discréditer et fragiliser la filière à moyen terme, avec d'un côté des zones de production massive de lait par des pratiques intensives (lait/ha, lait/vl, concentré /vl... etc) peu en accord avec les valeurs de la filière, et d'un autre côté des zones en perte de vitesse mais avec des pratiques vertueuses servant de vitrine à la filière (système extensif, prairie fleurie... etc). 

A la manière de l'ICHN*, l'interpro se doit de trouver des moyens de péréquations, de compensations et d'incitations pour corriger ces déséquilibres et favoriser un développement harmonieux sur toute la zone AOP*

 

2.       Conserver un cahier des charges ambitieux, tourné vers l'avenir

La Conf a déjà dit que le nouveau cahier des charges allait dans le bon sens mais sans aller assez loin, et qu'il manquait d'ambition. Le prochain travail sur le cahier des charges devra se montrer à la hauteur des enjeux de demain. 

Il devra emmener la filière vers plus d'autonomie et de durabilité en tenant par exemple plus compte de la préservation de la ressource en eau, aussi bien en qualité qu'en quantité ou encore en favorisant les pratiques permettant d'atténuer nos contributions aux émissions de CO2 et gaz à effet de serre

Le cahier des charges devra promouvoir des systèmes simples, résilients, extensifs, sobres et transmissibles

 

3.       Favoriser l'autonomie décisionnelle

Pour une filière exemplaire et durable, il convient aussi que les producteurs prennent conscience de leurs responsabilités et des conséquences de leurs pratiques. Les bonnes pratiques ne peuvent pas être seulement dictées par le seul cahier des charges qui, s'il fixe un cadre réglementaire et des limites, n'est pas suffisant pour promouvoir et développer les pratiques les plus vertueuses. 

Il faut que dès maintenant l'interpro entreprenne un travail de formation auprès de ses producteurs, il est de la responsabilité de l'interpro de vulgariser les modèles vertueux et durables à mettre en place sur le terrain, pour ainsi façonner une filière et l'amener à plus de qualité et d'exemplarité. 

Il serait opportun de créer un outil de communication direct vers les producteurs, par exemple une lettre d'information uniquement dédiée aux professionnels, lettre qui serait plus critique et plus technique que "les nouvelles du comté" qui resterait externe et plus consensuel. 

Il faut aussi que l'interpro mette en place une commission prospective qui sera en charge de donner le cap et les grandes orientations à donner à la filière. 

Les enjeux de la filière dépassant largement les seules productions de lait ou de fromages il serait judicieux que cette commission s'ouvre aussi à des représentants de la société dans son ensemble et pas uniquement aux professionnels de la filière.

 

4.       Garder des coops en gestion directe

Le maillage sur tout le territoire de fermes et d'ateliers nombreux est l'une des clés fondamentales de la réussite de la filière. 

Pour que cela perdure et éviter une fragilité face à l'aval, il faut absolument que les ateliers en gestion directe restent en nombre suffisants. C'est-à-dire éviter les fusions entre ateliers, éviter les fameuses économies d'échelle et optimisations économiques qui, si elles peuvent être favorables à court terme et individuellement, seraient catastrophiques à long terme pour la filière. 

Pour éviter cela, l'interpro doit se saisir du problème et prendre des mesures favorisant les petits ateliers et les plus petites coops. 

Il serait judicieux de créer un fonds d'investissement ou de se servir de celui qui existe déjà (coopinvest) pour aider les plus petites structures qui sont plus impactées par les charges fixes. 

 

5.       Accompagner la transmission des fermes

Comme pour les coops et les ateliers en gestion directe, il y a un enjeu fort à garder un nombre suffisant de fermes réparties sur tout le territoire. 

Il est fondamental et urgent de cesser les agrandissements qui conduisent à des structures qui ne sont plus transmissibles à cause d'un capital trop imposant. Des structures qui ne correspondent de toute façon pas à la demande des candidats à l'installation, qui sont majoritairement en individuel ou en couple. 

Il faut même à l'avenir envisager de démanteler certaines de ces structures pour recréer 2 ou 3 fermes à partir de l'existant. 

Il est évident que les outils de régulation du foncier (safer, ssee, autorisations d'exploiter...) doivent jouer pleinement leurs rôles pour empêcher les agrandissements, favoriser les installations et les créations d'activités. 

Mais on se rend bien compte que cela n'est pas suffisant et encore une fois il revient à l'interpro de prendre ses responsabilités et de devenir un acteur majeur et un outil facilitateur pour la transmission des fermes. 

Il faut revoir et inventer de nouveaux outils de gestion des droits à produire et des plaques vertes par exemple pour faciliter les installations ou le démantèlement de grosses structures. 

Il n'y a pas de réponses toutes prêtes à ce sujet délicat mais l'interpro doit s'y impliquer, y réfléchir et proposer des mesures facilitantes. 

 

6.       Généraliser le commerce équitable

Enfin, il faut trouver des outils de régulation des prix pour que le comté reste un produit abordable financièrement pour le consommateur. 

La Conf continuera à se battre pour une réelle transparence des prix du producteur au consommateur. 

La loi Egalim est un premier pas dans ce sens mais ne va pas assez loin en ne traitant que les coûts de production. 

Il faudra aussi intégrer en toute transparence les coûts liés à une éventuelle transformation, au transport, au stockage ou à la distribution dans le calcul d'un prix juste pour le consommateur. 

Ce prix juste et transparent devra permettre de rémunérer raisonnablement tous les acteurs de la filière

Plus en interne, l'interpro doit trouver le bon mécanisme pour que la MPN se stabilise et ne fluctue que par l'évolution des coûts afférents à chaque maillon de la filière. Autrement dit une MPN plus en rapport avec les coûts de productions et de transformations et pas seulement avec l'évolution des prix de ventes de comté. 


vidéo de la commission Comté BFC :

https://www.youtube.com/watch?v=RdwtyepNjCg

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